lundi 9 juin 2008

Saison 4

Chemin faisant vers Belgrade, je me persuadai de l'inutilité d'une saison 4. Ceci, jusqu'au poste frontière serbe. En effet, encore dans le souvenir de la grosse vilaine policière de l'année dernière, l'apparition de celle de cette année fût comme une révélation, la Serbie changeait. Alors que l'année précédente, il me fallut décliner moult cartes, passeport et motif de mon séjour, cette fois la bombe de service dans sa canfouine ne m'accorda qu'un bref regard absent. Brune somptueuse, matinée d'Adriana Karembeu et de Diane Kruger, je m'apprêtai à me soumettre à toutes ses lubies et exigences policières. Il n'en fut rien et elle m'ouvrit les portes de la Serbie avec une exaspérante indifférence.

C'était clair, la mutation serbe était en marche et je me devais de vous la conter. Pour répondre à l'élan multimédia universel, des vidéos émaillent cette saison 4, pour plus de détails, mais a fortiori moins de rêveries... En route donc pour une saison 4, moins virtuelle et plus visuelle. Ces vidéos durent pour la plupart moins de 30 secondes, elles peuvent être lues au format plein écran en cliquant sur "Zoom" et de fait, ne gagnent pas en qualité.

Premier constat satisfaisant, ma voiture roule à 185 km/h comme me le confirme aimablement le policier serbe en charge de ce tronçon d'autoroute limité à 100 km/h. Je paye, sans trop exprimer ma joie, les 1500 Dinars d'amende "forfaitaire". Nous sommes tous deux ravis de cet échange informel et rapide équivalent à 20€.


Proche de Belgrade, arrêt au Motel Saric, le même que l'année précédente, pour me concentrer le lendemain sur les 150 derniers kilomètres. Comme je l'évoquais dans la saison 3, ce tronçon de route est un subtil mélange de route nationale de montagne, agrémenté d’un fort trafic de poids lourds et pimenté de charrettes de foin ou de paprikas tractées, soit par des ânes parfois rétifs, soit par des motoculteurs pas plus dociles. Même sur Play station, les pires étapes du Gran Turismo 4 sont à ce tronçon ce qu'une portion de Vache qui rit est à la boulette d'Avesnes.


J'ai cette fois la chambre lupanar pour nains. A dominante rose, portes “épaissement” capitonnées, multi glaces et cinq chaînes uniquement de multisex, hot sex, XXXsex et deux autres dont je n'ai plus en mémoire le préfixe. En tout cas, pour le peu que j'en vois au travers d'un zapping curieux, je dois l'avouer, ça s'est radicalisé ! Alors que les séquences de Sexxl que je vous comptais l'année dernière, bien que lassantes, laissaient supposer un accord contractuel entre les partenaires, les séquences que je zappais laissaient toutes supposer une contrainte ou une domination qui confinait à la barbarie. Vocation ou contrainte, j'en suis resté baba, me remémorant la description, toujours affinée dans le sordide, des réseaux de traite de blanches, par Cizia ZIKE, entre le Monténégro et la, pas si lointaine, Albanie. Bref, une évolution aussi commerciale qu'avilissante ou inversement. Je terminais mon zapping de façon décalé avec un aimable Fanfan la tulipe en français. C'est aussi cela la Serbie, que des films VO et des émissions matinales pour enfants en anglais sous titrées. Une belle école de découverte des langues étrangères qui laisse sûrement le cerveau moins vide et contribue à un accent acquis dès le plus jeune age. Nicolas Sarkosy et Noël Forgeard n'ont donc grandi en Serbie. Enfin, pourquoi pour nains, tout simplement car les interrupteurs sont à la hauteur de mes genoux ! Je sombre entre les coups d'épée de Fanfan et les sollicitations d'une cohorte de Mimie Mathy volcaniques en guêpière. Pas de vidéo, désolé. Imaginez !


La précision de la vidéo ci-dessous pourrait vous induire en erreur sur la nullité des rapides tests pratiqués par le Docteur Stomir Janicovic lors de sa consultation. Que nenni, les mêmes exercices se pratiquent également à la Mecque de la neurologie mondiale, à savoir, la Pitié Salpetrière. C'est tout dire sur l'universalité de l'épais brouillard qui accompagne la sclérose en plaques et de surcroît ses multiples formes. Vous noterez, par ailleurs, que cette consultation se tient dans ma chambre, c'est aussi ça le luxe serbe !



J'expérimente ce matin, le complément indispensable à mon thermalisme à savoir les "magnets" comme me l'a brièvement résumé et prescrit le Doc. Nous n'avons pas développé plus avant, faute de vocabulaire, mais sa démonstration antérieure traduite par ma pote Micky (saison 1) se résumait à penser, qu'entourée par un fort champ magnétique, la myéline avait tendance à plus aisément se fixer.

Dont acte, et pourquoi pas, vu la mélasse dans laquelle naviguent les plus éclairés. Par ailleurs, on n'est forcément charlatan car serbe, et le raisonnement du Doc n'a sans doute rien de pire que le “puissant” et méconnu pouvoir de la framboise, prôné dans son dernier livre, contre le cancer par David Servan-Schreiber.


Sortant, encore tout magnétique, il était évident que j'attirai "irrésistiblement"Jacqueline (voir saison 3) arrivant du bout de la rue. Comme j'étais sur le point de me frigorifier sur place, nous convenons de nous retrouver, après son traitement, au bar de l'hôtel Fontana. Cinq minutes plus tard, elle arrive accompagnée d'Alexandra, sa fille de vingt ans. Elle a raté son bac et plutôt que de glander, sa mère l'a entraînée avec elle pour ce séjour... punitif ? Exactement ce que j'avais promis à mon fils Henri, s'il se trouvait à glander alors que je partais à Trepça. Sans voiture, puisqu'elles étaient venues en cars depuis Lyon, ça prenait toute sa dimension. Car Trepça sans voiture, c'était un peu Alcatraz sans bateau et surtout sans San Francisco.


Dragana, ma masseuse, poursuivait sur moi ses puissants malaxages. Son salon de massage avait migré vers le niveau bas de la maison du docteur Stomir Janicovic. Je m'y refroidissais, faute d'un chauffage assez puissant. Il faut dire qu'à cette saison, le réchauffement planétaire ne se ressentait pas vraiment et le soleil éventuel avait du mal à revenir sur les gelées nocturnes. A propos de réchauffement planétaire, Dragana me confia, en transpirant encore, les 45 degrés prévalant au mois d'août. Entre deux crampes dues à la fraîcheur, je me félicitai donc d'avoir retardé ma venue.

Toujours à propos de réchauffement de la planète et de modération, je notai le bel enthousiasme serbe pour les points de vente de produits pétroliers. Ces derniers prenaient tous la tournure de nos plus belles stations d'autoroute, constituant en cela la référence en matière de propreté, confort et design. Oui, la Serbie sortait du look Tito par ses stations service. De là à dire qu'il fallait privatiser les nationales, laissons le soin aux Serbes d'éviter les subtiles manœuvres financières qui prévalent dans notre prometteur Grenelle de l'environnement. Bref, au café "Pierre 1er", on ne parlait pas des bienfaits de Vélib et Zoran poussait toujours les premiers rapports de sa Zastava 500, sans se soucier de l'écran de fumée qu'il laissait derrière lui ! Écran, à même de désorienter un missile Tomahawk.


Je sors du "tunnel" au quatrième jour de cure. C'est ainsi que je nomme cette période post premiers bains et qui me ravage intensément. Au point que baisse de moral aidant, que je me vois condamné à vivre ici, à la pension, faute de pouvoir rentrer. Mais ce mauvais moment est passé et je profite ainsi plus largement des très étroits loisirs locaux.


J'échappe parfois au "dorutchac" de la pension au profit d'un déjeuner à la terrasse de l'hôtel Fontana. Ma commande approximative s'est révélée être un plat de frites plus ketchup, une salade de tomates et un jus de myrtilles. S'installe en face moi, un personnage aux traits épais, cheveux gras courts, frisés plaqués vers arrière, rehaussés de deux pattes très fournies. Deux yeux sombres et rapprochés scrutent mon plat de frites alors qu'il téléphone depuis son portable Samsung dernier modèle. Cigarettes blondes, Mercédes, chemise ouverte sur un poitrail velu, jogging du club de football Partizan de Belgrade et blouson de cuir noir complètent une allure que j'attribue aux gangsters locaux. Sa conversation téléphonique ne peut donc être que douteuse et, sans rien y comprendre, j'y soupçonne les ordres d'un chef de réseau de prostitution, tout en plongeant trois frites dans mon ketchup. On se glace de l'extrême sauvagerie de ces trafics humains dans un passage du film «Truands» qui, si mes souvenirs sont bons, situe le chargement d'un camion de femmes à la frontière du Monténégro, à cent kilomètres de notre terrasse. Bref, je confierai une jeune fille à ce gars là avec autant de confiance qu'une écolière à Emile Louis.


A proximité se tient une petite fille blonde, ramollie gravement, d'évidence par un problème neurologique. Elle dodeline de la tête sans arrêt et agite un sourire permanent de façon circulaire. Elle me fait songer à ces jouets, composés de petits cylindres reliés entre eux, formant un animal ou un personnage, et qu'une simple poussée au cul du support démantibule instantanément pour les reconstituer aussi rapidement, la poussée cessant. Une queue de cheval très haute laisse quelques boucles blondes entourer ses yeux bleus, convergents derrière ses lunettes. La serveuse dépose devant elle ce qui ressemble à un steak frites. Elle réussit à manger une frite parmi toutes celles qu'elle vient faire tomber. Mais, sous cette petite fille handicapée, se cache une fée qui, d'une simple caresse à mon supposé proxénète, le transforme dans l'instant en un papa attentif à la découpe de morceaux de viande pas trop gros.

Milos est le maître incontesté des appareils magnétiques qui envahissent le local de soins, également dans la maison du Doc. Je m'étais à peine installé dans mon tunnel magnétique, en tentant difficilement d'en identifier les bienfaits immédiats, qu'il me lâche tout en souriant : "To morrow snow". "No" réponds-je. Il faut dire qu'avec Milos, nous avons convenu de faire plutôt des progrès en anglais puisqu'il maîtrise déjà l'allemand. Et nous ne nous gênons pas pour aborder tous les sujets. "Girlfriend of me in Zurich" "No". "You sports" "No". "You child family" "Yes". Il progresse, c'est évident, et j'en suis ravi pour lui. Ce petit échauffement linguistique nous promet de belles discussions à venir et sous la neige, si j'ai bien compris le retournement météorologique qu'il m'annonce !


Faute de pénitents curistes, la grande salle de restaurant est regroupée dans le bar de la pension. Haut lieu de la décoration des années 60, le bar acier brossé et bois est éclairé par des globes oranges dans la droite ligne de l'époque.

Ce regroupement impose des plans de table aussi improbables que réjouissants. Propriétaires de Yougo Koral Skala 55 ou encore Zastava 500 avec heureux possesseurs de Mercedes. Faméliques hors d'âge et jeune couple de touristes égarés. Pour ma part, j'ai hérité du gars bungalow n°1 puisque les tables sont regroupées par couple de bungalows. De premier abord rustique, mon convive ne trahit en rien son penchant rural dans sa tenue à table. Très urbain, je lui sers un bref "dobar dan" suivi d'un "priatno" de circonstance qui restent sans réponse. Je préfère, car n'ayant rien pour me changer et au vu de ce qu'il vient d'engouffrer, ça ne serait pas prudent. Ce gars là est plus fait pour les Balkans profonds que pour prendre le thé chez Laduré. Mais cet "ours des Balkans" est en fait un "Transformer". Son repas baffré, il se mute en un mari attentionné en charge du plateau repas de sa compagne, tenue à la chambre. Nous nous retrouvons devant un "cevap çiçi" pour le dîner, on ne se quitte plus. Ce qui le rend d'aspect si solide, c'est que sa tête est directement liée aux épaules. Il entame un échange que je conclus par un "ne goroven serbski" sans appel. Nous brisons là, faute de langue commune, et de plus le "cevap çiçi" de sa compagne refroidit.


Dragana, ma masseuse est toujours aussi en forme. Après m'avoir rappelé à mes devoirs de lecture de Proust et tout particulièrement "cheurch ov ze losstime" , dont elle ne se remet pas, je tente un repêchage avec un court souvenir, sans rapport aucun, des Feuilles d'automne de Victor Hugo.

"Ce siècle avait deux ans !
Rome remplaçait Sparte,
Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte,..."

Interloquée par ce français qu'elle ne comprend pas, elle poursuit une tentative d'extrudage, par je ne sais où, de mon mollet gauche. La rotule peut-être ?
En parlant d'empereur, je lui demande ce que la presse serbe pense de Sarkozy. "Nothing", car le vrai sujet c'est Poutine, dont dépend plus étroitement la Serbie.

Je me savais loin et isolé mais à ce point ! Mais pas au point d'apprendre le lendemain par Dragana que les Sarkosy divorcent. Quel choc ! Mais surtout, personne n’a pensé à me prévenir ? Encore gras comme un beignet et n'y croyant guère, je contacte Patricia, ma plus sure informatrice parisienne pour vérification. Elle le sait depuis une semaine !
"Et moi alors, qui me fera libérer et me ramènera en Bulgarie, si je suis retenu ici comme otage thermal ?!"

Quatorze, nous ne sommes plus que quatorze curistes forçats à la Pansion "Zdravljak". Les chances d'établir un dialogue quelconque s'amenuisent. Peut-on survivre avec quinze mots durant quinze jours ? Oui, c'est possible mais on s'emmerde tout de même un peu ! Une dysarthrie est également à craindre ou du moins un certain engourdissement des mâchoires que je combats en chantant des chansons de Charles Aznavour dans ma voiture. Un défoulement solitaire mais salvateur sur les routes environnantes. Le destin a de ses revirements qui m'étonne encore, jugez plutôt. Je viens d'écrire les six lignes précédentes que je rencontre au dîner un couple de français, ceux là même qui m'ont orienté vers cette pension, lors de mon premier séjour en 2004. Trois minutes avec eux, cent mots. Je m'affûte les mâchoires pour demain car nous déjeunons et dînons ensemble !

Susanna et Tomiça sont nés en Serbie, ne se sont connus qu'en France alors que leurs lieux de naissance sont proches. C'est bien agréable de partager mes repas avec eux, ils sont charmants. Lui est comptable et elle travaille chez l'Oréal. On ne vient pas par hasard à Trepça et c'est bel et bien la spondylarthrite ankylosante de Susanna qui les mène ici dans cet automne froid et triste. Elle en tire un soulagement notoire qui perdure au long de l'année. Nous réchauffons l'ambiance autour de crêpes au chocolat et de prune de Souillac, que j'ai prudemment mis dans mes bagages. Ça me permet aussi d'entendre enfin un avis autorisé sur le Kosovo, pour lequel l'indépendance est parfois prônée dans la presse française. Un conseil déplacé, selon Tomiça, qui nous voit mal accorder l'indépendance à la Bretagne, au prétexte qu'une communauté quelconque s'y serait regroupée. De plus, le Kosovo regorge d'un uranium, qui n'est pas sans rapport avec l'intérêt et le soutien de certaines grandes puissances à le voir prendre son indépendance.


S'il vous fallait encore un signe des pouvoirs de cette source, je serai tenter de vous entretenir sur la manifeste mutation des moustiques locaux. En effet, alors que les températures ne permettent en aucun cas de se déshabiller complètement pour un massage, quelques spécimens affichent une insolente santé. Il en est de même dans ma chambre et l'on ne peut que deviner en cela que les vertus de la source d'eau atomique, cela dit au vu de sa teneur en Rn. Point positif, ils sont peu voraces, répondant sûrement, eux aussi, à une discipline de cure basée sur la modération.


Après avoir savouré trop rapidement "L'élégance du hérisson" de Muriel Barbery puis avalé douloureusement "L'attentat" de Yasmine Khadra et enfin englouti trop aisément "Les enfants de la liberté" de Marc Levy, je me tournais vers la télé pour quelques "Crocrodile chronicles" avec ce cinglé de Docteur Brady Barr sur la chaîne "Nat Geo Wild" et sa passion des "crocos". J'y apprends, entre deux frissons, que gueule fermée, si l'on voit les dents de la mâchoire inférieure et également supérieure c'est un croco ! Les caïmans et les alligators ne laissant apparaître que les dents du haut. C'est bon à savoir et peut vous servir peut être pour le Trivial Pursuit ?



Je souhaite avoir l'éclairage serbe des ces périodes de guerre dans ces Balkans si proches de nous. Tom et Susanna débutent leurs explications avec l'ex Yougoslavie de Tito et l'aura qui entoure le leader de ce peuple exceptionnel, rare exemple européen de résistance à l'invasion nazie. Ils terminent leur histoire, teintée des couleurs de l’Est, par l'indépendance aisée de la Slovénie puis la déchirure armée de la Croatie. A l'issue de ces précisions historiques, nous nous retrouvons Tomiça et moi en balade, lui au volant de ma Golf et moi lui faisant l'article de la boite automatique DSG. Il n'a pas cherché à me convaincre de rejoindre les Témoins de Jéhovah, dont il fait partie. A contrario, je lui annonce la double « bonne nouvelle de la création » de la boite automatique DSG sur les Volkswagen Golf et de la Vieille Prune de Souillac. Il accroche gravement aux deux, après essai et dégustation !


A propos de Témoins de Jéhovah, j’évoque avec eux ma rencontre avec Yulka, (saison 1).

Je leur rapporte l’essentiel de son message "Tu vois Dieu, il en a marre des imans qui tuent, des musulmans qui picolent et bouffent le cochon, des curés qui baisent les enfants, des rabbins voleurs. Il va nous faire grand malheur comme avec Noé et son bateau. Car tu sais Noé, il avait prévenu que ça allait chier. Et puis déluge alors qu'il pleuve jamais en ce temps là, tu sais juste humide le matin. Comme tu dis remettre les compteurs à zéro, nous on fait trop les cons, divorces, guerres, tout ça. Tu vois Dieu lui propriétaire. Si ton locataire fout le bordel, tu préviens, puis si il continue, pfuuiiit toi virer lui ".

C’est incroyable mais ils la connaissent, non pas de la cure thermale, mais de réunions de Témoins de Jéhovah en France où, là non plus, on ne risque pas de la manquer. "It’s a small world".

Plus qu'un jour et je retourne vers le confort, je n'en reviens pas. Cette seconde semaine est passée rapidement entre légères et fortes pluies, entre fraîcheurs et froideurs mais surtout grâce à l'aimable présence de Susanna et Tom. L'hiver approche avec l'arrêt des activités thermales! Chaque séjour apporte son lot de connaissance sur cette eau et cette cure. Tout d'abord, le soulagement qu’y trouvent les porteurs de spondylarthrites. J'en connais un qui va être content de savoir que la Serbie à tarifs réduits l'attend. Puis le fait que, concernant le traitement de la SEP, il convient d'espacer les cures de six mois et ça tombe bien, car une par an suffit à mon bonheur.

En partant très tôt le matin, je trouve un aimable message de Susanna et Tom qui me souhaitent bonne route, auquel je réponds en lui joignant le reste de Vieille Prune de Souillac dont je n’ai pas besoin pour conduire. A contrario, ils en auront besoin pour oublier les menus de la pension qui, la saison finissant, ne vont pas vers le meilleur !


Prochaine incarcération du 22 septembre 2008 au 5 octobre 2008, places disponibles... Dernière minute, prochaine incarcération annulée, c'est donc la fin de cette de "série" ! Merci de m'avoir lu.



Saison 3

Une première fois pour tenir une promesse, une seconde fois pour être certain que c'était sans effet et donc une troisième à cause d'Antoine, mon ostéopathe qui m'avait trouvé mieux au retour de ma séquestration 2005. Bref, j'en prenais l'habitude, vous de même.


L' Anschluss des turcs allemands sur la route d'Istanbul avait cessé avec la fin des vacances et je me retrouvais donc d'un "bond" à la frontière serbe. Le petit poste sous dimensionné s'était transformé en un complexe géant, mix du péage de Rocquencourt et du terminal 2 F de CDG, non écroulé.


Une vilaine policière éplucha avec suspicion mon passeport. D'évidence insatisfaite par ce document, elle me demanda " anozer offizial dokument". J'identifiais sottement en cela, mon permis de conduire. Déterminée à savoir si je ne voulais pas m'installer en Serbie sous une fausse identité, elle réitérât " anozer offizial dokument". Ca tombait bien, j'en avais quelques autres moins "offizial". Carte d'handicapé puis macaron de stationnement ne la rassurèrent guère et ne l'attendrirent pas. Pas plus que ma carte de curiste des années précédentes, ni ma carte de mutuelle, Pour conclure, ma carte SNCF de réduction famille nombreuse la rassura ou la lassa, bref j'entrais en Serbie.
Tout comme les Croates, les Serbes maintenaient le rythme des stations services, une tous les trente kilomètres depuis Zagreb à 300 km, mais alternant vieille station métallique rouillée post Tito et ultra modernité à la sauce Mac Donald.


Parti sur une feuille de route au "pied léger" pas plus de 9 heures de conduite par jour, je stoppais à l'hôtel National*** de Belgrade, attiré bêtement par ses trois étoiles. Crasseux complexe d'un autre âge, les putains et routiers multinationaux envahissant le hall ainsi que l'état de la chambre me firent poursuivre ma quête d'hébergement. Les embouteillages m'interdirent le centre ville et je retrouvai donc à la nuit tombante, là où je ne voulais pas aller, c'est à dire sur les cent cinquante kilomètres de route qui me restaient. Curieusement le premier motel fut le bon et je stoppai pour la nuit.


Ce dernier tronçon que je ne voulais pas faire de nuit est un subtil mélange de route nationale de montagne, agrémenté d’un fort trafic de poids lourds et pimenté de charrettes de foin ou de paprikas tractées soit par des ânes parfois rétifs soit par des motoculteurs pas plus dociles. De plus, les Zastavas 500 tentent d'imposer leur suprématie aux Yougo Koral. Même sur Play station, les pires étapes du Gran Turismo 4 sont à ce tronçon ce qu'une portion de Vache qui rit est à la boulette d'Avesnes. De jour, ce fut donc plus prudent.

Me voilà donc, entrant dans la thermale Gorjna Trepca, inchangée. Pourquoi alors écrire cette mise à jour 2006 ? Car, ça passe le temps et m'amuse ainsi que certains d'entre vous.


Tout d'abord le village est aux mains d'un instable gang de jeunes sclérosés en cannes anglaises. J'ai presque honte d'être si âgé et si peu atteint. Tous sont de jeunes ex-yougoslaves, monténégrins, croates, serbes. Point commun, une atteinte ne laissant aucun doute sur le mal, lorsqu'ils ratissent le village.


Verica m'attendait à son poste de réceptionniste de la Pansion "Zdravljak" **. Tout marchait sur des roulettes, réservation, bungalow disponible dès midi, barrière de la langue toujours aussi efficace. J'étais un peu en avance et nous "échangions" sur ses soucis du jour : elle avait grossi, me fit-elle à regrets comprendre et avait cochonné, avec je ne sais quoi de gras, le cuir fauve de son manteau. "Terre de Sommières" n'étant pas dans mon lexique serbe , je ne lui fus d'aucun secours.
Nous "discutons"ainsi durant une heure, temps minimum requis à renseigner les différents documents comptables et surtout de police retraçant mon parcours serbe sur la base des documents du motel précédent. Elle releva que nous avions le même âge à un mois prêt. Alors Jacqueline entra dans le bureau faisant office de réception. 

Jacqueline était yougoslave, élevée en France, la quarantaine grisonnante, sclérosée en plaques, canne anglaise à main gauche, jambe gauche raide comme un piquet et quittait le bungalow n° 3 pour me laisser la place. D'emblée Verica lui suggéra de prolonger son séjour en s'installant avec moi. Poli et réservé, je n'opposais pas de formel refus pensant qu'elle repartait en France. 
Que nenni, Jacqueline était en pleine bourre, comme me le confirma notre discussion autour d'un picrate local en guise de petit déjeuner, le temps que l'on prépare ma "suite". C'était son troisième séjour et elle avait arrêté le bétaféron de son propre chef. La CPAM économisait ainsi par deux fois à son propos puisque qu’elle n’avait qu’une incompréhensible invalidité de catégorie 1. Cerise sur le gâteau, elle venait d'acheter une maison dans le village mais n'avait hélas pas encore l'eau courante, ce qui expliquait les fines propositions de Verica. 10000 € pour sa canfouine sans eau courante, une affaire ! J'étais, bien sûr, le bienvenu mais ne précipitait pas les choses. Je notais que sa bicoque représentait à peu près un an de bétaféron au tarif français.

Boyan, le pisco et moi.

Boyan n'avait pas bien résisté au Pisco que j'avais amené de France en guise d'anti-dépresseur.
Mon voisin de bungalow, à la démarche déjà hésitante, n'avait pas gagné en équilibre en partageant ce breuvage que m'avait offert mon pote Jean Raoul avant mon départ. L'alcool sud américain avait, à contrario, fortement désinhibé Boyan que je retrouvais plus tard au bar de la Pansion "Zdravljak" ** en compagnie de cinq jeunes filles, me confirmant ainsi que sclérose masculine ou féminine ne rime pas avec perte de libido. La bière aidait d'évidence au rapprochement, sans pour autant faciliter le trajet retour des uns et des autres. Mais ici pas de soucis de "capitaine de soirée" ou de peur de violents chocs frontaux, chacun étant à pied ou plutôt en cannes anglaises. Seul le tonneau guettait certaines et certains. 


Verica vient de me faire livrer à l'instant une télévision. Elle me gâte et me trouve même une chaîne française. Ayant emporté ce qui se fait de mieux en matière de récepteur radio, un poste Sony emprunté à mon pote Jean Raoul, j'avais fait le constat déplorable de la faiblesse de l'émetteur de Radio France, tant par satellite qu'en FM locale ou encore en GO. En effet, Radio Moscou, BBC et diverses radios arabes clouaient le bec de nos chroniqueurs français. Seule chaîne disponible en français sur ma nouvelle télé, "Pêche et chasse".


J'échappais à l'insupportable supplice de Tantale qu'aurait été "Gourmet TV" et son, encore plus insupportable cuistot-présenteur, Joël Robuchon, fait pour la télé autant que je le suis pour la danse classique. Les soirées à venir s'annonçaient donc sous le double auspice des chiens, canard en gueule, au rappel infaillible et des truites arc en ciel farouches.


"Is it crual ?" m'avait rétorqué Dragana lorsque je lui demandais de me masser moins vigoureusement. Sur un rythme de trente massages par jour en saison haute, ses mains puissantes me donnaient l'impression qu'elle me vidait le mollet comme vous pressez votre tube de dentifrice. Je ne sais pas s'il y avait de la cruauté mais de la douleur, c'était sûr. Pour détourner la conversation, elle me rebrancha sur Marcel Proust et "cheurch ov ze losstime" en m’écrasant à nouveau le mollet comme une vulgaire madeleine.

Le restaurant, sa terrasse, sa vue, ses "popijettes" 

Pour se faire pardonner d'être si "crual", elle me conseilla enfin le seul restaurant correct alentour et ses fameuses paupiettes de veau ( popijette ) qui la rendaient radieuse rien que d'en parler. Je me dégraissais rapidement et encore gras comme un beignet, je découvrais à huit kilomètres, le resto, le point de vue, la terrasse ensoleillée et ses paupiettes. Pas de quoi "exhumer tout un charnier", comme on dit dans la région, mais ça me changeait de la soupe de la Pansion "Zdravljak" **. Au fait, Pansion vous aviez sûrement traduit, "Zdravljak" j'en doute car le prononcer c'est déjà du boulot ! C'est donc "Santé" et non "gastronomique", comme me l'avait fait croire ce déconneur de chef cuistot.

SDB et électricité

La fuite des cerveaux est un vrai problème, d'autant plus qu'elle se surajoute à une situation économique catastrophique. Vu l'état de ma salle de bains, il était clair que la Serbie était touchée par une triple plaie, la fuite de ses carreleurs, la fuite de ses plombiers mais aussi par celle de ses électriciens. Un fil électrique qui se lovait près de la glace au-dessus du lavabo. De grosse section, il laissait imaginer un projet d'installation d'importance. Outre un Méga Saniboyeur géant, je ne voyais pas quel projet justifiait une telle arrivée électrique au-dessus de la baignoire. A moins que l'installateur ait, dans les périodes troublées pas si lointaines, envisagé d'adjoindre le "confort" électrique au poste d'interrogatoire déjà efficace que constituait ma baignoire ! Eau et électricité, les thérapies d'avenir...


Chasse et pêche n'était pas la seule chaîne en français. En effet, la chaîne SEXL, pourtant serbe, ne diffusait ses dialogues salaces qu'en français et sans sous titre. SEXL remplaçait Chasse et pêche dès minuit. J'en déduisais que dans l'esprit serbe, la langue française était l'attribut indispensable de la "vraie grosse cochonne". Du moins la sonorité du français car, sans sous titre, peu de serbes accédaient à la profondeur des dialogues se limitant à celle des pénétrations. Chasse et pêche, ses chiens et ses truites me manquèrent rapidement.


Dans ce pays où la viande rouge était absente de toutes les cartes de restaurant, les vaches se faisaient très discrètes. Le temps s'y prêtant particulièrement, j'explorais les alentours dans un rayon de vingt kilomètres. Dès la sortie de Trepça, la ruralité prenait le pas sur les promoteurs individuels et brouillons saturant le vallon de la source "magique". De moyenne montagne, entre Vosges et Massif central, les fermes se succédaient, toutes se préparaient à l'hiver et rentraient du bois, le foin ayant été stocké bien avant. L'hiver s'annonçait très rude...

 

"Pas de stress, maigrir des cinq kilos que j'avais pris, selon lui, depuis notre dernière rencontre en 2004, limiter les graisses animales, 15 jours de cure, faire de l'exercice tous les jours, éviter toute infection", voilà les conseils que me prodiguait le docteur Stomir Janicovic. Jacqueline m'avait proposé de traduire nos échanges. 
Comme en 2004, cela se fit dans son bureau envahi de quelques autres visiteurs assistant à notre trio d'échanges franco-serbo-français et les ponctuant d'un trait serbe bien senti, si besoin. 
Stomir alluma une Marlboro. Son briquet chantait "I love you" à l'allumage et il confectionna un cornet papier dans une ordonnance en guise de cendrier qu'il coinça dans son tensiomètre d'un autre âge. L'industrie du tabac avait encore de beaux jours devant elle.
 

Nous enchaînons Jacqueline et moi pour une visite chez elle. Ce n'était pas si mal, bien que totalement inadapté à notre handicap, comme toutes les installations locales truffées de changement de niveau et d'escaliers retords. Nous arrosons ma visite d'une petite prune pas mauvaise en guise de "tea time".


Deux roulettes, quatre tubes d'aluminium, deux poignées sur lesquelles se cramponnent les deux fines mains d'Anna. Elle avait 28 ans et en paraissait seize. Elle rêvait de Paris et tout particulièrement de Montmartre. Son handicap lui rendait très délicat l'accès de la terrasse où nous discutions dans un anglais qu'elle n'avait pas eu l'occasion de pratiquer depuis trois ans. Elle était accompagnée de sa mère souvent à distance mais toujours attentive lors de ses lents déplacements à l'aide de son déambulateur. Elles habitaient Nis, prononcer "niche". Sa maman dégageait gentillesse et morosité. Elle regrettait, tout comme moi, de ne pouvoir communiquer. Je proposais à Anna de me laisser son adresse afin que je lui envoie une carte postale de Montmartre. Sa tentative d'écriture inaboutie lui demanda un effort que je n'avais pas imaginé confirmant que ses jambes n'étaient pas les seules touchées. Je m'en voulais de l'avoir confrontée à cette difficulté qui, de plus, ne m'était pas étrangère.


L'évasion donne des ailes et la traversée matinale et dominicale de Belgrade me permet en onze heures une "transmutation" complète.




De la Pansion "Zdravljak" ** de Gorjna Trepca au fin fond des Balkans au Grand hôtel VillaSerbelloni de Bellagio sur les rives du lac de Côme .

Restaurant "Le Mistral" et sa cuisine moléculaire... Crème d'oeuf de caille, tartare de boeuf Gnocchi d'amidon de céleri rave, caviar italien, crème de petits pois.


Même Jules Vernes, dont personne ne contestera l'imagination, n'avait osé envisager un passage, aussi radical et rapide, d’un monde à l’autre.

Saison 2

Essai d'hébergement, Pansion "Zdravljak", Gornja Trepca, Serbie

Pansion "Zdravljak" (**)
32215 Gornja Trepca
Phone: +381 32/ 822 327, 822 328
fax +381 32/822 425
Liberez le !

Essai réalisé par notre capturé volontaire, Pierre RAYMOND

Cet essai est réalisé sur la base des essais d'hébergement opérés dans le cadre des choix d'hôtels du personnels navigants. ( Cf. essai
JIN JIANG TOWER 161 à SHANGAI ). Cela dit pour les non PN.

TRANSPORT :


Temps de transport, individuel certes, mais beaucoup trop long. 1900 km de Paris soit 18 heures de route dans de bonnes conditions.

Expérience précédente 25 heures ( cause 8 heures d'attente à la frontière serbe).

Aucune aide pour passer les formalités douanières.

HÔTEL :

Situé à 150 km au sud de Belgrade,
Gornja Trepca est une station thermale serbe dans un état général déplorable.

La
Pansion "Zdravljak" affiche un taux d’occupation de 100% sur la période d'ouverture d'avril à novembre.




La clientèle essentiellement du troisième âge contribue très largement à une ambiance gaie et chaleureuse.


HALL :

Pas de hall.

RECEPTION :

A l’arrivée, pas de comptoir spécifique.


Accueuil chaleureux effectué par le responsable de l’hébergement en serbe uniquement. Pas d'anglais, même baragouiné ou d'allemand ou tout autre langue.

Seul le croate est parlé mais c'est la même langue que le serbe et cela ne solutionne donc pas les dialogues incertains et quiproquos divers.

CHAMBRES :

Frustre de prime abord, la chambre n'en est pas moins confortable pour autant.







Les éléments d'éclairage de qualité médiocre assurent néanmoins leur fonction première.

A noter, que de par sa conception, l'éclairage de chevet et de plafond sont colorés en vert ce qui rend le maquillage délicat, bien qu'indispensable.




Le ménage est assuré par du personnel féminin solide et bien équipé, dont j'ai pu noter la forte propension à discuter même si la barrière de la langue nous séparait totalement.

SECURITE ET SURETE :


Chaque chambre est équipée d'une simple clef qui m'a d'ailleurs largement donné satisfaction.





SALLE DE BAIN :



C'est le point fort de cet hébergement avec la fourniture directe d'eau de la source qui permet de prendre des bains sur place. 



A noter que l'eau n'est chauffée qu'entre 7h30-9h00 et 13h30-17h00.

Les aménités sont constituées de deux belles savonnettes à l'emballage fleuri.





Les serviettes (2), une "grande" et une petite, sont donc au nombre de deux pour la durée du séjour.





Point fort : la fourniture de matériel de nettoyage individuel.


RESTAURATION :

Pas de discount prévu, ce qui n'est pas bien grâve, au vu des tarifs de la pension complète relativement bas, 1025 DS (dinars serbes) soit 12,5€ par jour.

Par contre, un ingénieux système de ticket permet de ne pas confondre le "dorucak", le "rucak" et le "vecera". Trois repas qui peuvent être aisement confondus tant les mets proposés sont similaires.





Nota : Il convient de ne pas les oublier lors des différents repas !

ACTIVITES SPORTIVE :

Pas de piscine mais une baignoire pour les bains avec l'eau de la source.





Point fort : Massage à proximité par une compétente équipe de kinés serbes.



CREW LOUNGE :





Le CREW LOUNGE se tient sur la terrasse de chaque bengalow où un astucieux fil est, par ailleurs, réservé pour le séchage des serviettes. Très pratique.

On notera la belle convivialité entre équipages du fait d'une proximité propice au dialogue inter-bengalows.

DUTY FREE SHOP :





On y trouve de tout mais d'un autre âge. Cartes postales, bonbons, chocolats, presse locale et nationale, jouets, matériel de cuisine et surtout bouteilles de transport pour l'eau en 2, 3, 4 et 5 litres.

A noter tout de même les cigarettes Malboro Lights, paquet de 20, produites à Nis (Serbie), au tarif de 70 DS soit 0,85 € mettant la cartouche à 8,5 €.



AVIS D'EVADE :

J'y retourne l'année prochaine, c'est tout dire ! Ne pas oublier sa radio onde courte, des rallonges, sa canne chauffante et de quoi lire.

Pour compléter cet essai 2005, je vous conseille de lire ou de relire mon récit 2004,
Gorjna Trepca ou séjour en kolkhoze thermal.


Des commentaires, des questions ? M'écrire ici

Saison 1

Ce récit a reçu le prix de 
"Meilleur carnet de voyage 2007"
dans la catégorie "Insolite" 
des Presses Universitaires de France

La pilosité molletière des femmes yougoslaves avait concédé du terrain, contrairement au réseau autoroutier qui s'était, quant à lui, bien étendu.


Les autoroutes françaises, allemandes puis autrichiennes m'avaient rapidement mené au pied du château de Liezen, superbement entretenu par Malko Linge.



Après l'Autriche, je poursuivis avec les paysages moins grandioses de la Slovénie, puis pas grandioses du tout du nord de la Croatie qui a tout à envier à son littoral époustouflant. Tout me faisait envisager, au plus tard, une arrivée à Belgrade le soir même, après dix sept heures de route comme me l'indiquait mon "road-book" issu de Via michelin.com.

Alors pourquoi étais-je scotché à 9 km de la frontière serbe ? La file de voitures arrêtées et de camions faisait soi-disant quatre kilomètres ! C'est du moins ce que Yogul me confia lorsque je le questionnais sur notre souci commun.


Pourquoi lui parmi les 10000 turcs qui m'entouraient ? Car son Espace Renault était juste derrière moi et son immatriculation dans le "neuf quatre" me fit penser que nous pourrions communiquer. Un coup de pot que nous n'ayons pas à débattre dans l'instant, de l'intégration européenne de la Turquie et du lien étroit de cette démarche avec les élans de modernité turque initiés en son temps par Atatürk. Ou encore, des tensions internationales induites par le barrage du même nom sur l’Euphrate.

Ça tombait bien car Yogul n'avait de français que sa voiture et notre conversation fut vite limitée à accompagner la route de nos doigts sur la carte. Deux index qui, bien que muets, nous confirmèrent que nous étions faits comme des rats sur cette unique route vers Belgrade et la Turquie.

Dans son Espace, en totale contradiction avec la publicité, le vrai confort était à l'extérieur. L'intérieur, surchargé de bagages et de paquets, ne laissait que peu du fameux luxe à sa femme, sa mère ainsi qu'à ses trois enfants. Puisque le confort était à l'extérieur des véhicules, tout le monde était dehors. Les uns marchant vers l'avant du bouchon, les autres se soulageant au bord, les autres y pique-niquant, les conducteurs fumant pour tromper leur attente. Mais tous jetant leurs détritus sur les cotés de cette étroite route qui draine tout le trafic vers l'Asie, la Turquie et la Grèce. L'herbe disparaissait et cette fin de Croatie, prémisse de la Serbie avait l'allure d'une longue décharge.

A sens inverse, circulaient à faible vitesse les mêmes turcs, quant à eux de retour de vacances. D'un sens comme dans l'autre, ce n'était que véhicules BMW, AUDI, MERCEDES. J'avais un instant envisagé de partir avec ma BX puisque le serbe, lassé des Zastavas et autres Yougos 1.1, était annoncé comme amateur de voitures plus performantes au point de les voler. Je ratai là une belle occasion de passer pour un blaireau, préférant sa BX à sa Passat automatique climatisée. Ce confort Volkswagen, même s'il l'adoucissait, ne me sortait pour autant pas de ce merdier.


Heureusement le conducteur turc est espiègle et ses facéties routières multiples cassaient un peu la monotonie. Oh ! Pas dans notre file, si compacte que forcément immobile, mais sur l'autre côté de la route et à contresens s'il vous plaît. Il faut avouer que c'était tentant puisque le flot sporadique dans l'autre sens laissait entrevoir des possibilités de fuite en avant, rapidement contrecarrée par une voiture de police qui assurait la sécurité de l'ensemble. Une fois dans un sens et une fois dans l'autre sens et ainsi de suite. Une fois la douane passée à minuit, je calculai ma déprimante moyenne, à savoir 9 km en 8 heures soit 1,125 km à l'heure. Une fois la frontière passée, je me jetai enivré de vitesse retrouvée dans le premier motel serbe.


Le lendemain, c'est sous un jour pluvieux que je traversai Belgrade, puis me dirigeai plein Sud vers Cacak et Gorjna Trepca. Ce petit village thermal à l'eau radioactive était à la fois dans le trou du cul de la Serbie, et d'un petit vallon. De ce fait, aucune vue à espérer depuis le village enclavé se résumant à quelques denses maisons à louer ou hôtels.


Les bienfaits supposés de la source concentraient le tout, comme si tous jugeaient sa proximité vitale. Le centre thermal, au fin fond de ce boyau, hésitait entre modernité et ringardise. De fait, la ringardise l'emportait, dès que l'on pénétrait le moindre recoin. Vieillerie des équipements, saleté omniprésente, installations électriques bricolées ou surajoutées se mariaient curieusement bien avec cet univers essentiellement médico-aquatique.

Accompagné de Juca, nous fîmes au "pas de course" les formalités d'inscription et médicales. De tous ces échanges verbaux, je ne captai rien, nada... Néanmoins mon dossier avançait. J'en fus totalement convaincu lorsque Juca m'introduisit chez le docteur Stomir Janicovic. Le même que celui avec qui j'avais tenté vainement une conversation téléphonique en anglais depuis Paris. D'un brun roux indéfinissable mais laissant supposer un goût pour le Régécolor, Stomir me plut tout suite. Son sourire de vedette cadrait mal avec l'environnement de son bureau. Sale n'était pas la première réflexion que l'on se faisait en pénétrant sa canfouine, usée et douteuse suffisaient.

A l'instant précis où il me répondit " Saint Denis", alors que je lui demandais "Have you already been to Paris ?", je compris à son sourire qu'il ne faisait pas référence à la basilique. Ce gars ne pouvait pas être mauvais, et ses prescriptions de même.

Ses tests, similaires à ceux de ses confrères parisiens, le menèrent à me prescrire des bains, de l'hydromassage, des massages et de la kiné. La conversation entre Juca, curieusement présent lors de la consultation et Stomir, m'échappa presque totalement hormis qu'il nous conseilla de ne pas trop picoler ce soir !? Quant aux massages, ceux-ci se dérouleraient au domicile de Stomir à cent mètres de mon hôtel et non dans le centre de soin. La raison en était simple, le pognon allait directement dans la petite poche de Stomir.


Une fois ce tour bouclé et ma cure organisée, Juca et moi sommes rentrés à l'hôtel dont il était le propriétaire. Les présentations avec Lijliajna, son épouse, furent rapides et limitées car uniquement en serbe. Seule sa fille de 18 ans avait quelques notions d'anglais. Cette petite glandeuse n'en écossait pas une, alors que ses parents s'échinaient au service du resto et du bar. Ce fut le seul brin de jeunesse que je rencontrai durant les cinq premiers jours. Une jeunesse qui se voyait bien, plus tard, aider ses parents à croquer leur retraite. Comme quoi, les Balkans n'étaient pas à l'abri d'une jeunesse désoeuvrée, infirmant le fait que "ce qui leur faudrait c'est une bonne guerre...!". Mais je souhaitai que leur merdeuse soit une plaie, contrepartie méritée des tarifs qu'ils me concédaient au double des résidents yougoslaves.

Ma chambre au rez de chaussée sur cour bénéficiait de tout le confort moderne. Une modernité dont la touche serbe, l'embargo et la guerre, avaient notoirement ralenti l'élan. Elle me rappelait étrangement l'Akwa Palace de Douala, ceux qui connaissent y trouveront une référence précise, cousines en moins. Je ne traînai pas, puisque mon premier bain m'attendait dans l'instant.


Une fois une attente d'une heure écoulée, vient l'appel des élus aux bains dans l'eau de la source salvatrice. A présent, bien connu de tous, "Piaiire" est doublé de "françossky" pour être sûr que je réponde à l'appel au milieu du bordel général. Et ils font bien, car soit je me tiens à l'écart discutant avec ma pote Yulka, soit je lis encore plus loin de la cohue.


Déshabillage commun et dénuement variable pour chacun. Le plaisir des yeux est ailleurs, et aucun n'égare son regard, sauf moi pour raison de reportage à vous faire ! Étrangement, alors que de légères volutes de vapeurs s'échappent des bains, l'eau est juste pénétrable mais sûrement pas chaude. Les neurologiquement malades comme moi s'en réjouissent car ils ne craignent rien moins qu'une chaleur lénifiante, surajoutant à leur ramollissement. 27 degrés en fait, je l'appris plus tard.
Tout juste froid mais aussi tout juste chaud, pour un bain. Mais tout de même le confort s'en ressent. Charge au patient thermaliste d'arrêter le remplissage de sa baignoire.

Immergés pour une demi heure, l'intervention d'un ou d'une aquathérapeuthe est aléatoire. Peu différents des soins des thermes français, seules les clopes au bec ou à la main du personnel, me confirment que le "Fumer tue" n'a rien d'universel et que l'industrie du tabac a encore de beaux jours devant elle.

Nombreux de mes bains se sont déroulés à coté de ces enfants lourdement handicapés qui vous font remercier “je ne sais quoi” de vous avoir épargné cette épreuve. Le petit Igor avait bien treize ans et un corps difforme ne lui permettant que de sourire aux sollicitations que je lui adressais. Son père, beau gaillard aux cheveux grisonnants, s'émerveillait des sursauts incontrôlés de son fils sous le jet de la thérapeute.
Sa mère, quant à elle, était sonnée, soit par l'alcool, soit par ses médicaments ou les deux et était appuyée à un coin de carrelage attendant la sortie de l'eau de ce qu'elle ne semblait pas avoir mis au monde. Comment lui reprocher, alors que dans le même cas je pense sincèrement que, peut-être retenu physiquement par un amour paternel, j'aurai tout de même rêvé à ce qu'une bonne âme le noie pour moi. Ce papa serbe magnifique, lui "il tutoyait les anges" avec son fils dans l'eau, laissant sa femme évader ses pensées, le temps de cet intermède aquatique.

Puis charge au patient de vider son bain laissant la place au nettoyage manuel et sommaire de la baignoire par le préposé. Séchage, habillage et sortie au milieu des impatients agglutinés à l'entrée.


Les effets secondaires de l'eau, "blindée" de Lithium entre autres, m'épuisaient littéralement et me laissaient juste l'énergie de rentrer à l'hôtel et lire la bibliothèque très fournie qui ornait mon coffre de voiture.


Yulka, c'est ma copine à moi. Quand à l'orthographe de son nom, elle même ne le connaît pas exactement. Seule sa carte d'identité française tente une transcription de son prénom albanais. Yulka parle serbe, croate, roumain, turc et français mais n'écrit ni ne lit rien. Ça n'empêche pas nos discussions sur des sujets inattendus comme son goût pour Mahé, Praslin, la Digue mais aussi pour Dieu puisqu'elle est témoin de Jéhovah.
Emigrée en France, il y a 35 ans, elle vient d'acheter une maison à Rouen, laissant sa grande maison de Dieppe à un de ses six enfants. Ses allocs se sont transformées en immobilier normand. Sa fille est agent au sol à Air France, d'où son goût pour les îles sous le soleil.

Elle râle Yulka que la Sécurité Sociale ne lui rembourse pas cette cure et m'en suggère d'autres. "A Ovca, il y a source très bonne pour tout. Tu devrais aller voir pendant que t'es là. Mais ya pas hôtel. Ya pas encore richard qui en a fait un". Elle ne me tente guère avec Ovca pas remboursée non plus. Son fils dentiste n'a rien pu faire non plus pour son dossier de prise en charge.

Devant la respectable intégration française de ses six enfants, dentiste, prof, agent de vente Air France, etc, je ne pus pas m'empêcher de penser à mon glandeur scolaire et aux coups de pieds au cul qui se perdent lorsqu'on a tout pour bien faire, et qu'on ne veut pas, tout simplement.

Yulka, je ne pouvais pas la louper dans la cohue grâce à ses cheveux briques, divinement assortis à sa robe de chambre à fleurs qui passait très bien dans le décor. A propos de Dieu, son discours était rodé : "Tu vois Dieu, il en a marre des imans qui tuent, des musulmans qui picolent et bouffent le cochon, des curés qui baisent les enfants, des rabbins voleurs. Il va nous faire grand malheur comme avec Noé et son bateau. Car tu sais Noé, il avait prévenu que ça allait chier. Et puis déluge alors qu'il pleuve jamais en ce temps là, tu sais juste humide le matin. Comme tu dis remettre les compteurs à zéro, nous on fait trop les cons, divorces, guerres, tout ça. Tu vois Dieu lui propriétaire. Si ton locataire fout le bordel tu préviens puis si il continue, pfuuiiit toi virer lui ".

Bref, l'avenir était sombre et je me demandais si je faisais bien de traîner dans ce trou serbe à l'aube de je ne sais quel cataclysme purificateur. On est tout de même mieux chez soi pour ce genre d'événement !


J'étais au milieu de huit vieilles croulantes sous la tonnelle jouxtant ma chambre. Seul un vieillard tout sec tentait de faire croire avec moi que nous survivrions aux femelles. Quoi que, vu le tableau, rien ne pouvait nous incliner à vouloir survivre. Vieilles desséchées, grosses énormes, ridées boiteuses, guère plus jeunes mal voyantes, cet aréopage survivait néanmoins. Pour ma part, si mon point fort était l'âge, je me déplaçais néanmoins moins vite que toutes ces mamies.


Nous nous mesurions, le matin et le soir, sur les 250 mètres qui séparaient l'hôtel du centre de soin et j'enviais la mobilité intacte de mes tromblons de copines. Nous nous retrouvions scotchés dans l'attente indéterminée des bains que nous prenions dans des baignoires attenantes. Le déshabillage se faisait autour des baignoires, me confirmant que rides rimaient avec avachissement, et attraction terrestre avec seins sur les genoux. Seule parade à cela, le poirier qu'elles ne pratiquaient guère, du moins devant moi. Une fois quelques échanges uniquement visuels engagés, toutes étaient plutôt agréables. Nous échangions des sourires aimables depuis nos baignoires attenantes, tout autant que les morceaux de pastèques sous notre tonnelle commune.


Les Markotovic étaient mon seul havre de français presque pur, mais je n'en abusais pas. Dragan était serbe et Daniela meusienne. Ils habitent Chamblet, haut lieu d'accueil des réunions techno ou adventistes sur l'ex base de l'OTAN et d'une usine Lapeyre qui l'employait lui et ses deux fils. Dragan supportait Dianela qui ne supportait rien. Ni sa sclérose, ni la techno, ni le reste.
Dragan lui, il était au petit soin de cette casse-noix. Prévenant toutes ses demandes, acquiesçant à ses râleries infondées et multiples.
La saleté, l'attente, l'eau froide, les resquilleurs, tout faisait démarrer Daniela. Dragan sur les freins en permanence, temporisait ou faisait tampon.
Il avait une façon de parler où tout était rond. "Clac" dans sa bouche tournait au "Blab", et ça n'aidait pas à la compréhension. Cela m'a tout de même permis d'entendre, si ce n'est tout comprendre, sa vue serbe de la période Slobodan Milosevic, de l'embargo et de mieux cerner, par des exemples du quotidien, la terrible période dont se remet encore mal la Serbie.

Les radiations atomiques de l'eau étaient peut-être à l'origine des confidences de Daniela, qui me confiait sa perte de réceptivité sexuelle. "En dessous de ça, rien du tout !". Ce qui faisait d'évidence mal au cul à Dragan, car lui même sous "préparation H" depuis son premier contact avec la source. Ils me quittèrent à mi séjour et me manquèrent un peu, tout comme leurs confidences.

Gorjna Trepca, comme d'autre lieu d'espoir de Lourdes à Fatima en passant par Varanasi, draine les souffrances les plus terribles. Couples, pères ou mères d'enfants anormaux qui traînent leur progéniture débile, diminuée, dépendante, incontinente vers cette source d'espoir. Pierre Perret chante "je ne doute pas que Dieu existe mais il a beaucoup trop de clients". Plus miséricorde, je serais tenté d'écrire, après avoir vu, entre autres, cette grand-mère hors d'âge et éreintée en charge de son petit-fils de vingt ans très lourdement handicapé au point de lui poser, marche après marche, le pied sur la suivante. Plus miséricorde, je dirais donc "je ne souhaite pas à Dieu d'exister lui évitant en cela la honte de laisser d'aussi grand malheur accabler certains". Quant aux jansénistes ultras et autres fatalistes qu'ils remballent leurs certitudes, puisque ce même jeune homme était, aux dires de tous, encore en fauteuil l'année précédente et luttait à présent, toutes béquilles dehors, contre un déséquilibre constant.
Tout comme Forrest Gump..." C'est tout ce que j'ai à dire la dessus ! ".


La mode serbe suit des critères simples. Soit un je m'en foutisme total vous guide ou vous est dicté par une pauvreté que Radovan Karadzic n'a pas arrangée. Soit vous tentez de suivre cette regrettable mode sportive du jogging à tout faire. Toutes les marques sont présentes de Kappa à Adidas en passant par Champion et Nike. Un vrai festival réservé aux plus "friqués". La chaussure quant à elle suit les mêmes impératifs, contraintes ou modes. On est donc très à l'aise en toutes circonstances et si par hasard l'envie d'un séjour vous prenait, les règles vestimentaires ne devront vous torturer. Seul impératif, chaud et contre la pluie. Alors que je craignais les plus grandes chaleurs, Gorjna Trepca fut exceptionnellement rincé au moins une fois par 24 heures par la pluie, de ce fait la température fut très supportable.


Joseph m'avait abordé avec ce qui lui restait de français, pour savoir ce que je faisais à taper sans cesse sur mon Palm pilot. Outre ce texte que je rédigeai, je lui fis la démo du Palm Vx.


Il avait été électricien à Paris et habitait alors près la station Marcel Sembat. Saint Denis ne l'avait pas marqué mais il m'évoqua tout de même son bon souvenir des françaises. Il nous cassait les oreilles l'après midi à écouter les infos de Radio Belgrade au volant de sa Kia Sprint break. Un "must", semblait il, pour lequel il avait tout de même déboursé 14000€ et dont il tenait d'évidence à nous prouver la puissance de la radio de bord. Avec un salaire serbe moyen à 150 €, le paiement de son auto provenait forcément de ses économies françaises. Des "bon dieu" multiples émaillaient son discours chaque fois qu'il cherchait un mot français oublié. Il y avait en fait plus de "bon dieu" que d'autres mots, et nos échanges s'en sont vite ressentis et terminés.


On s'en doute, lorsque le message est puissant, le thème universel et la mélodie choisie, une chanson peut faire le tour du monde. Sans aucun de ces atouts, la chanson de la "Ferme des Célébrités", "le poulailler", venait néanmoins bercer ma séance de massage chez Dragana grâce aux programmes de Radio Belgrade. Un prénom de rêve pour ma masseuse attitrée. Sur l'ordre expresse du docteur, mes séances de massages ne pouvaient être exécutées que par les puissantes mains de Dragana. Malgré un prénom et une allure à jouer le contact russe de James Bond dans "Bons baisers de Russie", Dragana m'avoua être passablement épuisée par ses vingt massages par jour.
Toujours était-il que la puissance de ses mains, que mes muscles croisaient à sa mi journée, était amplement suffisante.

Nous échangions quelques mots sur des sujets divers limités par notre anglais.
Elle avait aimé Proust en lisant "cheurche ove losse time" "A la recherche du temps perdu". Elle rêvait de toutes évidences à d'autres horizons que celui que lui réservait le Docteur Aleksic, que je classai comme un négrier du massage.

Ces séances, très agréables, étaient payées directement, évitant ainsi le lourd et officiel circuit monétaire du centre de soins. A 360 dinars le massage, soit 5€, la future villa sur la côte adriatique de Stomir nécessitait d'autres filières. Mais le nostalgique de Saint Denis avait d'autres revenus, comme le laissaient supposer les autres pièces de sa maison aménagées à but locatif. Sans parler de son cabinet d'électrothérapie, un étage en dessous, et celui de Cacak, la ville la plus proche.

Henad Téripic... sur le « c » final, il y a un tréma et cela se prononce Tépitch. Henad était accompagné de Jubica sa femme. Lui avait été champion de boxe de yougoslavie, il y a 40 ans. Ils vivaient à Paris, porte de la Villette, lui retraité et elle toujours couturière, et venaient prendre un bol d'air et d'eau ici tous les ans. En à peine un déjeuner ensemble, ils m'ont confirmé deux choses : la difficulté de parler français pour un serbe et leur méfiance des "arabes" dont je cernai mal le périmètre de provenance. Ces fameux « arabes » étaient-ils l'équivalent de nos « melons » français, ou bien les albanais faisaient- ils partie du lot à jeter ? Sans réel éclaircissement ethnique, je compris néanmoins que tous étaient à jeter. Henad arrivé en France avait, bien sur, fréquenté les salles de boxe, y avait rencontré Belmondo qui l'avait fait embaucher dans la société Carboxyde appartenant au père de Brigitte Bardot. Puis fusions et acquisitions aidant, Henad venait donc d'être retraité d'Air Liquide. Dans un sabir franco serbe, ils s'inquiétaient tous deux du peu de réaction du gouvernement français vis à vis de ceux qui ne respectent pas les lois de leur pays d'accueil, comme par hasard, les fameux "arabes".


Micky m'accompagne car elle est serbe et parle un français parfait affiné 13 ans en Suisse et dans les secrétariats d'études notariales parisiennes, où elle a travaillé jusqu'en 1977. Elle m'accompagne donc, pour une consultation explicative avec le Doc sur les bienfaits de l'eau, et faire un tri définitif de tous les mythes, croyances et conseils divers qui fleurissent autour de la source. Un dessin explicatif du Doc peut être commenté ainsi.


Basique car affichant un PH de 7,4, sa température de sortie 29 degrés. Son passage dans un fort champ magnétique semble avoir une action positive sur la reconstitution de la myéline que les sclérosés auto détruisent. Faut le faire, mais c'est le propre des maladies auto immunes ! Outre une forte présence de Cs, Li, Pb et St, elle est par ailleurs fortement gazéifiée de CO2, H2S et de Rn. Oui, Rn, le radon et non Rm, moi aussi j’ai cherché…

Il compléta par la nécessité de se protéger de toute source de chaleur durant les 15 jours suivants, pour cause d'interférences d'autant plus nuisibles sur le système neurologique que ce dernier a été sollicité .

Très modeste sur ses connaissances et théories, il nous confia que, soit ça me faisait un effet positif et il convenait de revenir 15 jours par an. Soit je n'étais réceptif et je serai effectivement mieux chez moi. Je bénis son honnêteté car un truand aurait pu me suggérer six mois de cure nécessaire dans ce kolkhoze thermal. Quand je vous disais que ce gars là ne pouvait pas être mauvais.


Quant au Bétaferon que j'utilisais, ce médicament faisait en Serbie les beaux jours d'une mafia spécialisée car il n'était pas pris en charge par la Sec soc locale. Reste à prouver que, bien que remboursé en France, des mafias pharmaceutiques plus présentables n'abusent pas de cette maladie, si trouble scientifiquement.

Scandalisé par mes hôteliers arnaqueurs, il allait se charger de leur réputation et ne perdant pas le Nord, nous indiqua les tarifs de ses deux studios à 21 € par semaine. Les amateurs de vacances économiques noteront tout de même le peu d'activités proposées sur le site ! J'appréciai que l’amateur de galipettes tarifées ne pousse pas à la consommation avec ses 15 jours de cure annuels suffisants. J'avançai donc immédiatement mon départ de cinq jours, rapport au grand déluge annoncé par Yulka, et au fait que l'on s'emmerdait tout de même un peu dans ce kolkhoze aquatique. Je regrettai déjà la compagnie de Micky qui m'avait convaincu qu'il existait effectivement un accueil serbe de qualité.

Mais au fait, qu' étais je venu faire là et qui m'y avait incité ?
Tout simplement, une dernière promesse faite à ma maman, elle même informée de cette station thermale introuvable par une copine yougoslave. Deux sources au monde se prévalent de bienfaits neurologiques, Gorjna Trepca et une station thermale japonaise.


Vous savez donc tout sur ce voyage. Quant à ses effets, outre les 4000 km de plus au compteur de ma voiture, une fatigue insensée durant la cure, je me dois d’attendre que la fatigue rémanente disparaisse pour pouvoir en mesurer les réels effets.