Ce récit a reçu le prix de
"Meilleur carnet de voyage 2007"
dans la catégorie "Insolite"
des Presses Universitaires de France
La pilosité molletière des femmes yougoslaves avait concédé du terrain, contrairement au réseau autoroutier qui s'était, quant à lui, bien étendu.
Alors pourquoi étais-je scotché à 9 km de la frontière serbe ? La file de voitures arrêtées et de camions faisait soi-disant quatre kilomètres ! C'est du moins ce que Yogul me confia lorsque je le questionnais sur notre souci commun.
Pourquoi lui parmi les 10000 turcs qui
m'entouraient ? Car son Espace Renault était juste derrière moi et
son immatriculation dans le "neuf quatre" me fit penser que
nous pourrions communiquer. Un coup de pot que nous n'ayons pas à
débattre dans l'instant, de l'intégration européenne de la Turquie
et du lien étroit de cette démarche avec les élans de modernité
turque initiés en son temps par Atatürk. Ou encore, des tensions
internationales induites par le barrage du même nom sur l’Euphrate.
Ça tombait bien car Yogul n'avait de
français que sa voiture et notre conversation fut vite limitée à
accompagner la route de nos doigts sur la carte. Deux index qui, bien
que muets, nous confirmèrent que nous étions faits comme des rats
sur cette unique route vers Belgrade et la Turquie.
Dans son Espace, en totale
contradiction avec la publicité, le vrai confort était à
l'extérieur. L'intérieur, surchargé de bagages et de paquets, ne
laissait que peu du fameux luxe à sa femme, sa mère ainsi qu'à ses
trois enfants. Puisque le confort était à l'extérieur des
véhicules, tout le monde était dehors. Les uns marchant vers
l'avant du bouchon, les autres se soulageant au bord, les autres y
pique-niquant, les conducteurs fumant pour tromper leur attente. Mais
tous jetant leurs détritus sur les cotés de cette étroite route
qui draine tout le trafic vers l'Asie, la Turquie et la Grèce.
L'herbe disparaissait et cette fin de Croatie, prémisse de la Serbie
avait l'allure d'une longue décharge.
A sens inverse, circulaient à faible
vitesse les mêmes turcs, quant à eux de retour de vacances. D'un
sens comme dans l'autre, ce n'était que véhicules BMW, AUDI,
MERCEDES. J'avais un instant envisagé de partir avec ma BX puisque
le serbe, lassé des Zastavas et autres Yougos 1.1, était annoncé
comme amateur de voitures plus performantes au point de les voler. Je
ratai là une belle occasion de passer pour un blaireau, préférant
sa BX à sa Passat automatique climatisée. Ce confort Volkswagen,
même s'il l'adoucissait, ne me sortait pour autant pas de ce
merdier.
Heureusement le conducteur turc est
espiègle et ses facéties routières multiples cassaient un peu la
monotonie. Oh ! Pas dans notre file, si compacte que forcément
immobile, mais sur l'autre côté de la route et à contresens s'il
vous plaît. Il faut avouer que c'était tentant puisque le flot
sporadique dans l'autre sens laissait entrevoir des possibilités de
fuite en avant, rapidement contrecarrée par une voiture de police
qui assurait la sécurité de l'ensemble. Une fois dans un sens et
une fois dans l'autre sens et ainsi de suite. Une fois la douane
passée à minuit, je calculai ma déprimante moyenne, à savoir 9 km
en 8 heures soit 1,125 km à l'heure. Une fois la frontière passée,
je me jetai enivré de vitesse retrouvée dans le premier motel
serbe.
Le lendemain, c'est sous un jour
pluvieux que je traversai Belgrade, puis me dirigeai plein Sud vers
Cacak et Gorjna Trepca. Ce petit village thermal à l'eau radioactive
était à la fois dans le trou du cul de la Serbie, et d'un petit
vallon. De ce fait, aucune vue à espérer depuis le village enclavé
se résumant à quelques denses maisons à louer ou hôtels.
Les bienfaits supposés de la source
concentraient le tout, comme si tous jugeaient sa proximité vitale.
Le centre thermal, au fin fond de ce boyau, hésitait entre modernité
et ringardise. De fait, la ringardise l'emportait, dès que l'on
pénétrait le moindre recoin. Vieillerie des équipements, saleté
omniprésente, installations électriques bricolées ou surajoutées
se mariaient curieusement bien avec cet univers essentiellement
médico-aquatique.
Accompagné de Juca, nous fîmes au
"pas de course" les formalités d'inscription et médicales.
De tous ces échanges verbaux, je ne captai rien, nada... Néanmoins
mon dossier avançait. J'en fus totalement convaincu lorsque Juca
m'introduisit chez le docteur Stomir Janicovic. Le même que celui
avec qui j'avais tenté vainement une conversation téléphonique en
anglais depuis Paris. D'un brun roux indéfinissable mais laissant
supposer un goût pour le Régécolor, Stomir me plut tout suite. Son
sourire de vedette cadrait mal avec l'environnement de son bureau.
Sale n'était pas la première réflexion que l'on se faisait en
pénétrant sa canfouine, usée et douteuse suffisaient.
A l'instant précis où il me répondit
" Saint Denis", alors que je lui demandais "Have you
already been to Paris ?", je compris à son sourire qu'il ne
faisait pas référence à la basilique. Ce gars ne pouvait pas être
mauvais, et ses prescriptions de même.
Ses tests, similaires à ceux de ses
confrères parisiens, le menèrent à me prescrire des bains, de
l'hydromassage, des massages et de la kiné. La conversation entre
Juca, curieusement présent lors de la consultation et Stomir,
m'échappa presque totalement hormis qu'il nous conseilla de ne pas
trop picoler ce soir !? Quant aux massages, ceux-ci se dérouleraient
au domicile de Stomir à cent mètres de mon hôtel et non dans le
centre de soin. La raison en était simple, le pognon allait
directement dans la petite poche de Stomir.
Une fois ce tour bouclé et ma cure
organisée, Juca et moi sommes rentrés à l'hôtel dont il était le
propriétaire. Les présentations avec Lijliajna, son épouse, furent
rapides et limitées car uniquement en serbe. Seule sa fille de 18
ans avait quelques notions d'anglais. Cette petite glandeuse n'en
écossait pas une, alors que ses parents s'échinaient au service du
resto et du bar. Ce fut le seul brin de jeunesse que je rencontrai
durant les cinq premiers jours. Une jeunesse qui se voyait bien, plus
tard, aider ses parents à croquer leur retraite. Comme quoi, les
Balkans n'étaient pas à l'abri d'une jeunesse désoeuvrée,
infirmant le fait que "ce qui leur faudrait c'est une bonne
guerre...!". Mais je souhaitai que leur merdeuse soit une plaie,
contrepartie méritée des tarifs qu'ils me concédaient au double
des résidents yougoslaves.
Ma chambre au rez de chaussée sur cour
bénéficiait de tout le confort moderne. Une modernité dont la
touche serbe, l'embargo et la guerre, avaient notoirement ralenti
l'élan. Elle me rappelait étrangement l'Akwa Palace de Douala, ceux
qui connaissent y trouveront une référence précise, cousines en
moins. Je ne traînai pas, puisque mon premier bain m'attendait dans
l'instant.
Une fois une attente d'une heure
écoulée, vient l'appel des élus aux bains dans l'eau de la source
salvatrice. A présent, bien connu de tous, "Piaiire" est
doublé de "françossky" pour être sûr que je réponde à
l'appel au milieu du bordel général. Et ils font bien, car soit je
me tiens à l'écart discutant avec ma pote Yulka, soit je lis encore
plus loin de la cohue.
Déshabillage commun et dénuement
variable pour chacun. Le plaisir des yeux est ailleurs, et aucun
n'égare son regard, sauf moi pour raison de reportage à vous faire
! Étrangement, alors que de légères volutes de vapeurs s'échappent
des bains, l'eau est juste pénétrable mais sûrement pas chaude.
Les neurologiquement malades comme moi s'en réjouissent car ils ne
craignent rien moins qu'une chaleur lénifiante, surajoutant à leur
ramollissement. 27 degrés en fait, je l'appris plus tard.
Tout juste froid mais aussi tout juste
chaud, pour un bain. Mais tout de même le confort s'en ressent.
Charge au patient thermaliste d'arrêter le remplissage de sa
baignoire.
Immergés pour une demi heure,
l'intervention d'un ou d'une aquathérapeuthe est aléatoire. Peu
différents des soins des thermes français, seules les clopes au bec
ou à la main du personnel, me confirment que le "Fumer tue"
n'a rien d'universel et que l'industrie du tabac a encore de beaux
jours devant elle.
Nombreux de mes bains se sont déroulés
à coté de ces enfants lourdement handicapés qui vous font
remercier “je ne sais quoi” de vous avoir épargné cette
épreuve. Le petit Igor avait bien treize ans et un corps difforme ne
lui permettant que de sourire aux sollicitations que je lui
adressais. Son père, beau gaillard aux cheveux grisonnants,
s'émerveillait des sursauts incontrôlés de son fils sous le jet de
la thérapeute.
Sa mère, quant à elle, était
sonnée, soit par l'alcool, soit par ses médicaments ou les deux et
était appuyée à un coin de carrelage attendant la sortie de l'eau
de ce qu'elle ne semblait pas avoir mis au monde. Comment lui
reprocher, alors que dans le même cas je pense sincèrement que,
peut-être retenu physiquement par un amour paternel, j'aurai tout de
même rêvé à ce qu'une bonne âme le noie pour moi. Ce papa serbe
magnifique, lui "il tutoyait les anges" avec son fils dans
l'eau, laissant sa femme évader ses pensées, le temps de cet
intermède aquatique.
Puis charge au patient de vider son
bain laissant la place au nettoyage manuel et sommaire de la
baignoire par le préposé. Séchage, habillage et sortie au milieu
des impatients agglutinés à l'entrée.
Les effets secondaires de l'eau,
"blindée" de Lithium entre autres, m'épuisaient
littéralement et me laissaient juste l'énergie de rentrer à
l'hôtel et lire la bibliothèque très fournie qui ornait mon coffre
de voiture.
Yulka, c'est ma copine à moi. Quand à
l'orthographe de son nom, elle même ne le connaît pas exactement.
Seule sa carte d'identité française tente une transcription de son
prénom albanais. Yulka parle serbe, croate, roumain, turc et
français mais n'écrit ni ne lit rien. Ça n'empêche pas nos
discussions sur des sujets inattendus comme son goût pour Mahé,
Praslin, la Digue mais aussi pour Dieu puisqu'elle est témoin de
Jéhovah.
Emigrée en France, il y a 35 ans, elle
vient d'acheter une maison à Rouen, laissant sa grande maison de
Dieppe à un de ses six enfants. Ses allocs se sont transformées en
immobilier normand. Sa fille est agent au sol à Air France, d'où
son goût pour les îles sous le soleil.
Elle râle Yulka que la Sécurité
Sociale ne lui rembourse pas cette cure et m'en suggère d'autres. "A
Ovca, il y a source très bonne pour tout. Tu devrais aller voir
pendant que t'es là. Mais ya pas hôtel. Ya pas encore richard qui
en a fait un". Elle ne me tente guère avec Ovca pas remboursée
non plus. Son fils dentiste n'a rien pu faire non plus pour son
dossier de prise en charge.
Devant la respectable intégration
française de ses six enfants, dentiste, prof, agent de vente Air
France, etc, je ne pus pas m'empêcher de penser à mon glandeur
scolaire et aux coups de pieds au cul qui se perdent lorsqu'on a tout
pour bien faire, et qu'on ne veut pas, tout simplement.
Yulka, je ne pouvais pas la louper dans
la cohue grâce à ses cheveux briques, divinement assortis à sa
robe de chambre à fleurs qui passait très bien dans le décor. A
propos de Dieu, son discours était rodé : "Tu vois Dieu, il en
a marre des imans qui tuent, des musulmans qui picolent et bouffent
le cochon, des curés qui baisent les enfants, des rabbins voleurs.
Il va nous faire grand malheur comme avec Noé et son bateau. Car tu
sais Noé, il avait prévenu que ça allait chier. Et puis déluge
alors qu'il pleuve jamais en ce temps là, tu sais juste humide le
matin. Comme tu dis remettre les compteurs à zéro, nous on fait
trop les cons, divorces, guerres, tout ça. Tu vois Dieu lui
propriétaire. Si ton locataire fout le bordel tu préviens puis si
il continue, pfuuiiit toi virer lui ".
Bref, l'avenir était sombre et je me
demandais si je faisais bien de traîner dans ce trou serbe à l'aube
de je ne sais quel cataclysme purificateur. On est tout de même
mieux chez soi pour ce genre d'événement !
J'étais au milieu de huit vieilles
croulantes sous la tonnelle jouxtant ma chambre. Seul un vieillard
tout sec tentait de faire croire avec moi que nous survivrions aux
femelles. Quoi que, vu le tableau, rien ne pouvait nous incliner à
vouloir survivre. Vieilles desséchées, grosses énormes, ridées
boiteuses, guère plus jeunes mal voyantes, cet aréopage survivait
néanmoins. Pour ma part, si mon point fort était l'âge, je me
déplaçais néanmoins moins vite que toutes ces mamies.
Nous nous mesurions, le matin et le
soir, sur les 250 mètres qui séparaient l'hôtel du centre de soin
et j'enviais la mobilité intacte de mes tromblons de copines. Nous
nous retrouvions scotchés dans l'attente indéterminée des bains
que nous prenions dans des baignoires attenantes. Le déshabillage se
faisait autour des baignoires, me confirmant que rides rimaient avec
avachissement, et attraction terrestre avec seins sur les genoux.
Seule parade à cela, le poirier qu'elles ne pratiquaient guère, du
moins devant moi. Une fois quelques échanges uniquement visuels
engagés, toutes étaient plutôt agréables. Nous échangions des
sourires aimables depuis nos baignoires attenantes, tout autant que
les morceaux de pastèques sous notre tonnelle commune.
Les Markotovic étaient mon seul havre
de français presque pur, mais je n'en abusais pas. Dragan était
serbe et Daniela meusienne. Ils habitent Chamblet, haut lieu
d'accueil des réunions techno ou adventistes sur l'ex base de l'OTAN
et d'une usine Lapeyre qui l'employait lui et ses deux fils. Dragan
supportait Dianela qui ne supportait rien. Ni sa sclérose, ni la
techno, ni le reste.
Dragan lui, il était au petit soin de
cette casse-noix. Prévenant toutes ses demandes, acquiesçant à ses
râleries infondées et multiples.
La saleté, l'attente, l'eau froide,
les resquilleurs, tout faisait démarrer Daniela. Dragan sur les
freins en permanence, temporisait ou faisait tampon.
Il avait une façon de parler où tout
était rond. "Clac" dans sa bouche tournait au "Blab",
et ça n'aidait pas à la compréhension. Cela m'a tout de même
permis d'entendre, si ce n'est tout comprendre, sa vue serbe de la
période Slobodan Milosevic, de l'embargo et de mieux cerner, par des
exemples du quotidien, la terrible période dont se remet encore mal
la Serbie.
Les radiations atomiques de l'eau
étaient peut-être à l'origine des confidences de Daniela, qui me
confiait sa perte de réceptivité sexuelle. "En dessous de ça,
rien du tout !". Ce qui faisait d'évidence mal au cul à
Dragan, car lui même sous "préparation H" depuis son
premier contact avec la source. Ils me quittèrent à mi séjour et
me manquèrent un peu, tout comme leurs confidences.
Gorjna Trepca, comme d'autre lieu
d'espoir de Lourdes à Fatima en passant par Varanasi, draine les
souffrances les plus terribles. Couples, pères ou mères d'enfants
anormaux qui traînent leur progéniture débile, diminuée,
dépendante, incontinente vers cette source d'espoir. Pierre Perret
chante "je ne doute pas que Dieu existe mais il a beaucoup trop
de clients". Plus miséricorde, je serais tenté d'écrire,
après avoir vu, entre autres, cette grand-mère hors d'âge et
éreintée en charge de son petit-fils de vingt ans très lourdement
handicapé au point de lui poser, marche après marche, le pied sur
la suivante. Plus miséricorde, je dirais donc "je ne souhaite
pas à Dieu d'exister lui évitant en cela la honte de laisser
d'aussi grand malheur accabler certains". Quant aux jansénistes
ultras et autres fatalistes qu'ils remballent leurs certitudes,
puisque ce même jeune homme était, aux dires de tous, encore en
fauteuil l'année précédente et luttait à présent, toutes
béquilles dehors, contre un déséquilibre constant.
Tout comme Forrest Gump..." C'est
tout ce que j'ai à dire la dessus ! ".
La mode serbe suit des critères
simples. Soit un je m'en foutisme total vous guide ou vous est dicté
par une pauvreté que Radovan Karadzic n'a pas arrangée. Soit vous
tentez de suivre cette regrettable mode sportive du jogging à tout
faire. Toutes les marques sont présentes de Kappa à Adidas en
passant par Champion et Nike. Un vrai festival réservé aux plus
"friqués". La chaussure quant à elle suit les mêmes
impératifs, contraintes ou modes. On est donc très à l'aise en
toutes circonstances et si par hasard l'envie d'un séjour vous
prenait, les règles vestimentaires ne devront vous torturer. Seul
impératif, chaud et contre la pluie. Alors que je craignais les plus
grandes chaleurs, Gorjna Trepca fut exceptionnellement rincé au
moins une fois par 24 heures par la pluie, de ce fait la température
fut très supportable.
Joseph m'avait abordé avec ce qui lui
restait de français, pour savoir ce que je faisais à taper sans
cesse sur mon Palm pilot. Outre ce texte que je rédigeai, je lui fis
la démo du Palm Vx.
Il avait été électricien à Paris et
habitait alors près la station Marcel Sembat. Saint Denis ne l'avait
pas marqué mais il m'évoqua tout de même son bon souvenir des
françaises. Il nous cassait les oreilles l'après midi à écouter
les infos de Radio Belgrade au volant de sa Kia Sprint break. Un
"must", semblait il, pour lequel il avait tout de même
déboursé 14000€ et dont il tenait d'évidence à nous prouver la
puissance de la radio de bord. Avec un salaire serbe moyen à 150 €,
le paiement de son auto provenait forcément de ses économies
françaises. Des "bon dieu" multiples émaillaient son
discours chaque fois qu'il cherchait un mot français oublié. Il y
avait en fait plus de "bon dieu" que d'autres mots, et nos
échanges s'en sont vite ressentis et terminés.
On s'en doute, lorsque le message est
puissant, le thème universel et la mélodie choisie, une chanson
peut faire le tour du monde. Sans aucun de ces atouts, la chanson de
la "Ferme des Célébrités", "le poulailler",
venait néanmoins bercer ma séance de massage chez Dragana grâce
aux programmes de Radio Belgrade. Un prénom de rêve pour ma
masseuse attitrée. Sur l'ordre expresse du docteur, mes séances de
massages ne pouvaient être exécutées que par les puissantes mains
de Dragana. Malgré un prénom et une allure à jouer le contact
russe de James Bond dans "Bons baisers de Russie", Dragana
m'avoua être passablement épuisée par ses vingt massages par jour.
Toujours était-il que la puissance de
ses mains, que mes muscles croisaient à sa mi journée, était
amplement suffisante.
Nous échangions quelques mots sur des
sujets divers limités par notre anglais.
Elle avait aimé Proust en lisant
"cheurche ove losse time" "A la recherche du temps
perdu". Elle rêvait de toutes évidences à d'autres horizons
que celui que lui réservait le Docteur Aleksic, que je classai comme
un négrier du massage.
Ces séances, très agréables, étaient
payées directement, évitant ainsi le lourd et officiel circuit
monétaire du centre de soins. A 360 dinars le massage, soit 5€, la
future villa sur la côte adriatique de Stomir nécessitait d'autres
filières. Mais le nostalgique de Saint Denis avait d'autres revenus,
comme le laissaient supposer les autres pièces de sa maison
aménagées à but locatif. Sans parler de son cabinet
d'électrothérapie, un étage en dessous, et celui de Cacak, la
ville la plus proche.
Henad Téripic... sur le « c » final,
il y a un tréma et cela se prononce Tépitch. Henad était
accompagné de Jubica sa femme. Lui avait été champion de boxe de
yougoslavie, il y a 40 ans. Ils vivaient à Paris, porte de la
Villette, lui retraité et elle toujours couturière, et venaient
prendre un bol d'air et d'eau ici tous les ans. En à peine un
déjeuner ensemble, ils m'ont confirmé deux choses : la difficulté
de parler français pour un serbe et leur méfiance des "arabes"
dont je cernai mal le périmètre de provenance. Ces fameux « arabes
» étaient-ils l'équivalent de nos « melons » français, ou bien
les albanais faisaient- ils partie du lot à jeter ? Sans réel
éclaircissement ethnique, je compris néanmoins que tous étaient à
jeter. Henad arrivé en France avait, bien sur, fréquenté les
salles de boxe, y avait rencontré Belmondo qui l'avait fait
embaucher dans la société Carboxyde appartenant au père de
Brigitte Bardot. Puis fusions et acquisitions aidant, Henad venait
donc d'être retraité d'Air Liquide. Dans un sabir franco serbe, ils
s'inquiétaient tous deux du peu de réaction du gouvernement
français vis à vis de ceux qui ne respectent pas les lois de leur
pays d'accueil, comme par hasard, les fameux "arabes".
Micky m'accompagne car elle est serbe
et parle un français parfait affiné 13 ans en Suisse et dans les
secrétariats d'études notariales parisiennes, où elle a travaillé
jusqu'en 1977. Elle m'accompagne donc, pour une consultation
explicative avec le Doc sur les bienfaits de l'eau, et faire un tri
définitif de tous les mythes, croyances et conseils divers qui
fleurissent autour de la source. Un dessin explicatif du Doc peut
être commenté ainsi.
Basique car affichant un PH de 7,4, sa
température de sortie 29 degrés. Son passage dans un fort champ
magnétique semble avoir une action positive sur la reconstitution de
la myéline que les sclérosés auto détruisent. Faut le faire, mais
c'est le propre des maladies auto immunes ! Outre une forte présence
de Cs, Li, Pb et St, elle est par ailleurs fortement gazéifiée de
CO2, H2S et de Rn. Oui, Rn, le radon et non Rm, moi aussi j’ai
cherché…
Il compléta par la nécessité de se
protéger de toute source de chaleur durant les 15 jours suivants,
pour cause d'interférences d'autant plus nuisibles sur le système
neurologique que ce dernier a été sollicité .
Très modeste sur ses connaissances et
théories, il nous confia que, soit ça me faisait un effet positif
et il convenait de revenir 15 jours par an. Soit je n'étais réceptif
et je serai effectivement mieux chez moi. Je bénis son honnêteté
car un truand aurait pu me suggérer six mois de cure nécessaire
dans ce kolkhoze thermal. Quand je vous disais que ce gars là ne
pouvait pas être mauvais.
Quant au Bétaferon que j'utilisais, ce
médicament faisait en Serbie les beaux jours d'une mafia spécialisée
car il n'était pas pris en charge par la Sec soc locale. Reste à
prouver que, bien que remboursé en France, des mafias
pharmaceutiques plus présentables n'abusent pas de cette maladie, si
trouble scientifiquement.
Scandalisé par mes hôteliers
arnaqueurs, il allait se charger de leur réputation et ne perdant
pas le Nord, nous indiqua les tarifs de ses deux studios à 21 €
par semaine. Les amateurs de vacances économiques noteront tout de
même le peu d'activités proposées sur le site ! J'appréciai que
l’amateur de galipettes tarifées ne pousse pas à la consommation
avec ses 15 jours de cure annuels suffisants. J'avançai donc
immédiatement mon départ de cinq jours, rapport au grand déluge
annoncé par Yulka, et au fait que l'on s'emmerdait tout de même un
peu dans ce kolkhoze aquatique. Je regrettai déjà la compagnie de
Micky qui m'avait convaincu qu'il existait effectivement un accueil
serbe de qualité.
Mais au fait, qu' étais je venu faire
là et qui m'y avait incité ?
Tout simplement, une dernière promesse
faite à ma maman, elle même informée de cette station thermale
introuvable par une copine yougoslave. Deux sources au monde se
prévalent de bienfaits neurologiques, Gorjna Trepca et une station
thermale japonaise.
Vous savez donc tout sur ce voyage.
Quant à ses effets, outre les 4000 km de plus au compteur de ma
voiture, une fatigue insensée durant la cure, je me dois d’attendre
que la fatigue rémanente disparaisse pour pouvoir en mesurer les
réels effets.
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